LES REFUGIES ESPAGNOLS EN FINISTERE

Le conférencier, Jean SALA-PALA, nous présente sa conférence: 

LE FINISTÈRE, TERRE D’EXIL DES RÉPUBLICAINS ESPAGNOLS

Si beaucoup savent que la guerre d’Espagne (1936-1939) a entraîné l’exil de centaines de milliers de Républicains espagnols vers la France, l’importance jouée par le Finistère dans l’accueil de plusieurs milliers de ces exilés espagnols demeure très largement méconnue, y compris par de nombreux Finistériens. Et pourtant …
Dans notre département, les Espagnols de la Guerre d’Espagne sont arrivés en trois vagues successives. La première, en 1937, est formée de réfugiés qui pour fuir les combats se déroulant dans le nord-atlantique de leur pays quittent l’Espagne par bateau. Vont arriver alors en Finistère de l’ordre de 2 000 civils et 500 combattants républicains. La seconde, en février 1939, est celle de la Retirada. Il ne s’agit plus réellement d’une vague mais d’un véritable tsunami puisque 500 000 espagnols, pour moitié des civils, pour moitié des combattants, entrent en France en une quinzaine de jours. De ceux-là, 3 700 civils, femmes et enfants, arrivent dans notre département en l’espace d’une semaine, entre le 1er et le 8 février. La troisième enfin, entre 1941 et 1943, est constituée de combattants républicains de la Retirada. À leur entrée en France, ils sont d’abord internés dans les camps de concentration près de la frontière franco-espagnole puis travaillent pour la France dans le cadre des Compagnies de Travailleurs Étrangers. En juin 1941, des milliers d’entre eux passent sous responsabilité allemande et sont contraints, comme travailleurs forcés, de participer à la construction du Mur de l’Atlantique pour l’Occupant. À Brest, entre 5 000 et 7 000 vont devoir ainsi travailler sur l’imposant chantier de la base sous-marine. Plusieurs d’entre eux s’en évaderont et rejoindront la Résistance.
La conférence débutera par un rapide rappel des événements qui ont fait passer l’Espagne, d’avril 1931 à avril 1939, d’une monarchie à une dictature via une république puis un coup d’État et une guerre, guerre qui a conduit à ce large exil. Elle se poursuivra par un exposé détaillé sur le vécu de ces réfugiés espagnols dans le Finistère.
Au cours de l’exposé, une attention particulière sera portée au cas de Douarnenez et de plusieurs communes proches comme Ploaré et Plouhinec, toutes marquées par cet exil espagnol. En 1937, arrivent à Douarnenez le 18 juillet 9 réfugiés (femmes et enfants) puis le 22 octobre, partis depuis les Asturies, au nord de l’Espagne, deux bateaux, Abascal et La Mensajera avec à leur bord plusieurs personnalités politiques asturiennes importantes. Le 19 février 1939, est créé, dans cette même ville de Douarnenez pour accueillir des civils de la Retirada, un « Comité d'accueil des Espagnols » dont la composition est très éclectique, allant du conseiller d'arrondissement au curé de la paroisse en passant par un responsable des syndicats des marins-pêcheurs. Ce Comité va organiser collecte de dons, de vêtements, … pour faciliter l’accueil de ces réfugiés. À Ploaré, début avril 1939, quatre bébés espagnols reçoivent le baptême, parrains et marraines sont quasi-exclusivement des gens du cru ... et on fête l'événement comme il se doit ! Mais l’histoire la plus marquante est celle de Plouhinec. C'est là qu'arrive, le 8 mai 1937, le tout premier convoi de près de 450 enfants ; cette arrivée fait des vagues et donne lieu à un échange musclé de télégrammes entre le maire et le préfet. De nombreuses autres arrivées suivront et Plouhinec restera, tant en 1937 qu'en 1939, le plus important centre d'accueil de réfugiés espagnols pour notre département.

L'association Mémoire de l’Exil Républicain Espagnol dans le Finistère (MERE-29)

Parmi les réalisations de MERE-29 (voir le site internet http://www.mere29.com/), on peut citer :
la présentation d’une exposition itinérante destinée à faire partager cette page d’Histoire à un large public de collégiens et lycéens, d’étudiants et d’adultes ; de nombreuses conférences devant les UTL, dans les lycées et collèges, à l’Université, dans les médiathèques ; la co-organisation à Brest, en soutien de l’Université de Bretagne Occidentale (UBO), de trois colloques internationaux sur l’exil et le travail forcé des Républicains espagnols (en 2017, 2019 et 2022) ; la participation, en partenariat avec l’Université de Tarragone, l’UBO et quatre associations mémorielles espagnoles et allemandes, au programme de recherche européen Lessons for the present : Rotspanier. Forced workers in the Second World War ; l’apposition de plaques commémoratives en divers lieux de Mémoire (à Brest à la Base des sous-marins et au Fort Montbarey, à Plouhinec, à Penmarc’h)  ; la participation en février 2023 au Parlement Européen à Bruxelles à la Journée d’Hommage aux Républicains espagnols (seule association mémorielle française invitée).

Pour en savoir plus:

1. Références sur l’exil espagnol en Bretagne.

La mémoire retrouvée des Républicains espagnols. G. Garcia* et I. Matas (Ed. Ouest-France, 2005).
L’exil espagnol en Bretagne, 1937-1940. I. Le Boulanger (Ed. Coop Breizh, 2016).
Pour entrer dans Grenade. G. Garcia* (Ed. Mare Nostrum, 2013).
Resistir, Les Républicains espagnols en Bretagne, de la Retirada à la Résistance G. Garcia* (Ed. Skol Vreizh, 2019).
Polvorientos caminos (1936-1945) : itinéraire européen d'un républicain espagnol, 1936-1945. E. Urzainqui-Falcon. Traduit par S. Valiente (Ed. Privat, 2010).
Nuit franquiste sur Brest. P. Gourlay (Ed. Coop Breizh, 2013).
Nuit noire sur Brest. D. Cuvillier, B. Galic et Kris (Ed. Futuropolis, 2016).

2. Références générales.

La guerre d’Espagne. A. Beevor (Ed. Calmann-Lévy, 2006).
Hommage à la Catalogne. G. Orwell (Ed. 10-18, 2000).
L’exil des républicains espagnols en France. De la guerre civile à la mort de Franco. G. Dreyfus-Armand (Ed. Albin Michel, 1999).
La Nueve. Ces républicains espagnols qui ont libéré Paris. E. Mesquida (Ed. Le Cherche Midi, 2011).

* G. Garcia a été la première présidente de MERE-29.